© Jo

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Annabelle

mardi 7 mars 2023 07:17

Jour de grève. Je me retrouve seule devant la gare vide, 4 trains garé au fond du paysage et tous les rails qui tracent des chemins désertés ; Le cadre de lumière fait de cette gare une véritable carte postale de grève. J’essaie moi aussi, durant cette veille, de faire le vide, de faire la « grève » en moi, mais je suis assaillie. Ce matin je me suis réveillée en hâte pour venir ici, je ne conduis jamais et j’ai dû dégivrer la voiture et monter dans ce village que je ne connais pas sur des routes que je ne connais pas avec un pare-brise obstrué de givre… Petit événement du quotidien pour certains, je l’ai vécu comme une aventure. Et je me retrouve à veiller, survoltée comme une pile. Je pense à la voiture, puis au travail, à ce que je dois faire, je pense aux papiers de la CAF et à la conversation que j’ai eu il y a deux jours avec un ami sur des questions de déclaration. Jour de grève et je ne pense qu’au travail.

Le paysage devant moi n’est que stress. Autour de cette gare vide et apaisante, des voitures qui vont à des endroits, des voitures qui savent où elles vont, qui avancent sûres d’elles et sans faire de détour. Je pense à tous ces gens dans ces voitures qui vont tous faire des choses et ça me stresse. Je regarde le paysage et je vois ces maisons où on s’active, ces champs qu’on a labourés, ces cheminées qui n’arrêtent pas de fumer. J’essaie de trouver un endroit dans le paysage pour me réfugier. Ce n’est pas une grande ville, je peux essayer de trouver, au loin dans l’horizon, un espace vide. Mais rien ne m’apaise. Comment vous avez pu enlaidir le monde comme ça ?

Je dis « vous » car je n’étais pas née quand tous ces aménagements ont été décidé, et ça fait du bien parfois de pouvoir accuser quelqu’un. Je regarde à l’autre fenêtre, là où la vue est courte et c’est là que je trouve de l’apaisement. Le donjon, les maisons de pierre où rien ne bouge et où j’espère que les habitants font des grasses matinées. Je vois l’abri aussi, où m’a accueilli Jo. Nous n’avons pas le même âge mais nous portons le même monde dans nos cœurs. Avant de veiller ce matin nous avons parlé de politique : de répartition des richesses et d’abolition de l’héritage. Les utopies politiques se transmettent de bouche en bouche à travers les âges, comme des légendes. Avant de veiller sur la ville nous avons attisé ce feu, dont il ne faut jamais qu’il s’éteigne, qu’il ne faut jamais oublier, même si presque tout dans le paysage montre le contraire.