© Jo

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Méryl

dimanche 11 décembre 2022 08:16

Je me suis levée ce matin en laissant Manek, mon fils aîné, et Julien, mon mari, lovés sous la couette. Quand j’ai dit à Manek que j’allais veiller sur le soleil pour vérifier qu’il se lève bien, il m’a dit « d’accord », pas du tout décontenancé.

En arrivant à Capdenac-le-Haut, la rencontre avec Joseph, qui m’accompagne pour cette veille, me met en condition, nos échanges à bâtons rompus sur la vie, sa maladie, la mort invitent déjà à prendre du recul.

En montant dans la boîte et sitôt la porte refermée, c’est un choc esthétique : « Putain que c’est beau ! À en pleurer ! » Le ciel rougeoyant, un avion qui passe, le soleil qui s’apprête à… Juste après cet émerveillement, je ressens une vive excitation : cette beauté, ce moment suspendu, la solitude, c’est orgasmique. Ce fut le plus beau paysage de la veille pour moi : le lever du soleil, majestueux, irradiant tous mes sens. À travers la buée que j’avais faite sur la vitre à laquelle je restais scotchée, je m’amuse à observer le soleil sous ses différentes coutures et en fonction des filtres de buée, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel apparaissent autour du point rouge feu. En reculant j’aperçois le paysage de l’ancien (Capdenac-le-Haut) qui se reflète dans le nouveau (Capdenac-Gare).

Au point du jour : quelques oiseaux, une toile d’araignée et quelques herbes gelées ; le temps est suspendu.

Et puis le jour se lève entièrement, laissant place à l’agitation. La tâche de buée que j’avais produite s’estompe peu à peu, comme un fantôme qui disparaît. À l’intérieur de moi aussi tout s’éveille : gargouillis, fourmillements dans mes pieds gelés, etc. j’ai le temps d’entonner une symphonie de Beethoven et de réfléchir à la finitude de notre existence et à ce qui compte pour moi : le petit-déjeuner et les autres.

L’arrivée du train, les cloches de l’église m’indiquent que la fin de ma veille est proche. Le temps de faire un autre constat : tout ici est façonné par l’être humain, le paysage est traversé par ces rails et bâtiments, les moteurs troublent le silence et pourtant je ne verrai aucun de mes confrères humains depuis la fenêtre de ma veille : drôle de monde…