©

©

Sophia

dimanche 5 juin 2022 20:34

Je me dis que je ne suis pas un veilleur. Un veilleur, c’est un mec qui fait le guet, planqué dans sa tour. J’ai rien surveillé. Rien.  

Et une veilleuse, c’est une loupiote qui rassure. Un truc pour les mômes.  

Je me dis que c’est dur de surveiller. Parce qu’à force de veiller sur tout, tu ne vois plus rien. Sauf les araignées minuscules qui font des glissades sur la vitre.  

Ca m’a fait penser à mon père. 40 ans à surveiller. En slip de bain. 40 ans avec un sifflet et une casquette rivée sur la tête. Il en a perdu l’odorat.  

Je me dis que c’est pas le bon terme. Que je suis une veilleureuse – C’est l’écriture inclusive – Non pas que ça me rende heureuse. Juste histoire de féminiser cette œuvre.  

Veilleureuse mais c’est pas drôle.  

Je me dis que c’est comme une cellule. Une cellule de GAV.  

Je me dis que si à la place de la merde et des graffitis, qu’à la place des barreaux, il y avait des paysages, on sortirait de détention avec un bout de ciel qu’on se serait réapproprié.  

Je me dis que veiller ça suffit, qu’il faut agir. Et que la vitre empêche les cris. Que je ressemble à un poisson dans un bocal. Que je suis passive alors que la ville s’endort. Que je suis là, surplombante, érigée, omnisciente, alors que dans ces petites maisons des violences se jouent.  

Je me dis que c’est pas ma place. Que c’est un portrait de la ville. Alors que je pense en panoramique. Je regarde une araignée rouge qui se fait la malle, sa beauté dépasse le soleil.